Vivement le printemps, le cul dans la merde, Paris n'est pas le bonheur

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16 décembre 2017, 23:26

[Vivement le printemps, le cul dans la merde, Paris n'est pas le bonheur]

 

Oui, en ce moment c'est la saison d'hiver, de repos, à la ferme... et je m'emmerde à écrire des tartines sur des sujets d'importance que peu finalement comprennent sauf les plus éclairés. A quoi bon ? A quoi bon causer assiette et qualité, écologie respect ressource, éthique ? Ah l'écran et le véganisme abolitionniste : les rois de la merdebouffe synthétique sont des saints. Ne pas toucher à la nouvelle religion du transhumanisme, biotechnologie, ogm !

 

Vivement le printemps pour servir la cause animale et humaine.

Le cul dans la paille et la merde des chèvres.

 

ça sent moins mauvais que le peu de considération des hors-sol pour le travail que nous faisons, nous autres, paysans BIOS, militants du quotidien, des assiettes et ressources et biens communs de tous. Bientôt ils auront leur ration de merde artificielle industrielle trois fois par jour, leur bol alimentaire, bien shootés aux compléments pharmaceutiques. Désolée, je préfère la vraie merde, celle issue de la rumination de nos animaux.

 

Cette merde ne pue pas. Cette merde permet de cultiver, de multiplier la biodiversité. L'autre merde, la chimique de synthèse, c'est le contraire. C'est la destruction de 10 000 ans d'histoire.

 

La mienne d'histoire :

 

oui, vivement les mains dans les poils de nos chèvres. Les sentir, mettre nos nez dans leurs flancs, leur murmurer nos sentiments...

Vivement les matins heureux dans la lumière et poussière, sur les cornadies où leurs cornes et têtes viennent volontairement se faire prendre pour quelques grains d'orge bio et soulager leurs mamelles, se faire soigner, retirer des tiques...

soigner les blessures entre elles car certaines ne se font pas de cadeaux.

 

Oui vivement les mains dans l'utérus pour aider aux mises bas lorsqu'il y a besoin, la femelle gueulant de souffrance à sortir son petit, l'oeil suppliant. Elles, qui ne gueulent jamais, pas comme tous ces gens qui sont si éloignés du vivant et qui ne connaissent pas mais qui JUGENT... on le sait lorsqu'elles ont mal et appellent à l'aide.

 

ça ne se passe pas toujours bien. mais on est là.

On encadre, on aide, on donne du foin, de l'eau, des soins, on câline, on rassure, on parle, on chante même.

 

Oui vivement le printemps que je chante du jazz à nos chèvres, ou Jean Ferrat "que la montagne est belle", seule avec elles, seule au monde, oui. C'est génial leur silence d'un coup. Entre nous, il n'y a plus que le rythme du lait en surplus qui frappe les parois du seau, les mains en rythmes sur les mamelles chaudes prêtes à éclater... Je chante, et elles tournent la tête, leurs oreilles tendues vers ma voix, elles ferment les yeux de bien- être, je le sens, je le sais, alors je continue à chanter. Elles écoutent. Y'a plus que ma voix et elles.

 

On est bien ensemble.

 

Plus tard, Benoît s'inquiète. Il recherche qui est la mère ayant laissé son petit dans la prairie... voire SES petits.

 

On les ramène, et on devine qui est la vilaine qui a laissé sa progéniture sans la nourrir... on lui parle, on lui met ses enfants aux mamelles, on la mets aussi parfois entre trois palettes pour qu'elle ne les abandonne pas, les nourrisse.

 

Y'en a une qui a sa patte cassée. Benoît lui fait un plâtre et on lui porte ses petits. Tout va bien. Ils sont goulus.

 

L'autre s'est pété la corne, ce n'est pas beau à voir, on lui met de l'argile.

La plus vieille, 14 ans, 12 lactations, 25 chevreaux, mamie poitevine, elle arrive à la fin de sa vie. Elle souffre. Trois jours qu'elle agonise malgré les soins. C'est la fin. C'est nous que ça torture. Il va falloir l'aider à passer de l'autre côté, vers les anges.

 

Oui, vivement le printemps, que nous prélevons ce qu'il reste après que les petits sous la mère ait tout bu....

je me remets avec frénésie à la transfo. Le lait frais, chaud sera transformé artisanalement comme depuis des milliers d'années. J'ai l'impression d'accomplir un geste humanitaire, sauvegarder une race animale et faire ma propre alimentation et en faire bénéficier les chanceux locaux du surplus.

 

Loin du centre du monde, de Paris et de ceux qui pensent que notre métier c'est de tuer.

 

Pauvres ignares. Mangez votre fromage analogue de chez Cargill n°1 mondial de l'innovation synthétique du faux fromage sans lait, sans animaux, sans paysans, sans terres, mais avec du pétrole.

 

Et ça prétend protéger les animaux. De quoi et en quoi ?

 

Cette année, nous avons de la chance grâce au calendrier lunaire : très peu de mâles, beaucoup de femelles.

 

Les mâles, on les place vivants le mieux qu'on le peut. Ils seront à leur tour les rois du cheptel et honoreront de leur sperme le cul des chèvres. Ils copuleront en automne. De nouveau la vie du printemps.

 

Mais ça Paris ne le sait pas. Nos chèvres sont en chaleur, le bouc pue, il n'en peut plus d'attendre, c'est l'appel de la vie, l'odeur de la vie.

 

Et la vraie merde, c'est de peu à peu nous interdire de vivre tout cela ensemble.

 

Dictateurs du synthétique.

 

Je veux chanter Jean Ferrat. Je te laisse Cargill et L 214.



15/11/2019
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