L' agroécologie : Vade rétros grades !

P'tits bonheurs d'exception...avant déception mais satisfaction.

L'Aïl Kant guette now. Vade rétros ... grades !

J'ai les mains humides qui sentent le caillé frais des biques, fraîchement moulé.

Il faut que je vous raconte cette matinée, comme il y en a plein d’autres ici à la ferme où tout est exception, lux, calme et voulu p.t.r…( désolée, l’humour scato des gens des bons airs et détendus !)

 

A vous qui aimez les belles histoires à se réveiller debouts, même le jour...

Benoît mon paysan élu, amoureux et courageux Don Quichotte, s'est levé à 3 h du matin pour être à Toulouse comité de bassin Adour Garonne, en tant qu'administrateur, servir une dernière fois l'intérêt général en ce sein, donc je l'ai remplacé à la traite. Mamelles pour mamelles, les nôtres au moins sont naturelles !

 

Depuis la fenêtre de notre bicoque, et de mon potager alimentaire élémentaire, j’ appelle les belles poilues en liberté avec leurs progénitures, le seau à la main, avec mon pull autrefois de luxe -et désormais troué- préféré et les pieds droits dans mes bottes roses à pois, tenue de bobo par excellence, mais sans le béret : l'agroécologie se passe de BCBG, de tout artifice bling bling et de châteaux de carte en Espagne ou autre paradis fiscal.

Notre boucle y est, à nous, c’est celle de nos biques…

 

« Yepyepyep les filles ! »

 

Au son de ma voix, elles accourent, toutes pimpantes, pour venir se faire traire, moi qui aurait cru un instant que l’herbe au pré allait avoir leur préférence et que j’allais chanter le galérien pour les rassembler…l’appel du grain d’orge fait son petit effet…

Je retrouve mon petit tabouret d’enfance, en bois, et me voilà à leurs côtés.

Evidemment, toujours la même allongée, qui prend un malin plaisir à ne pas se lever.

Evidemment celle à grosses mamelles qui danse le tango risquant de faire basculer mon seau.

Evidemment la blacko cette maline, avec ses yeux tendres et sa blessure soignée au fil de couture.

Evidemment celles aux petites mamelles ayant déjà été sollicitées par ses chevreaux goulus.

Evidemment quelques petits qui, curieux, viennent bouffer mon pull.

Evidemment celle qui faut un peu engueuler car elle y met un peu de mauvaise volonté mais qui au final se redresse et te laisse quelques gouttes…

Evidemment, celle qui va remplir à elle seule la moitié du seau tellement elle a de lait.

Et puis me voilà, la tête contre son flanc, mes cheveux mêlés à ses poils, à chantonner l’air des p’tits pains au chocolat, au rythme des jets lactés éclaboussant les parois du récipient. Oui, traire, c’est faire de la musique. C’est aussi un instant partagé avec des biques. C’est vérifier qu’il va falloir leur couper les ongles des pattes en babouche, c’est sentir rouler sous les doigts quelques petits soucis de soins, les observer, les caresser, leur parler, les gratouiller, fourrer mes doigts dans leur robe, même à poil.

Il y a dans l’air un parfum, non seulement de fumier, de paille, d’odeur fauve mais aussi une odeur de paisible éternité.

 

Je mesure alors l’exception d’être, en dehors de ce monde hors sol de faux semblants et d’avoir.

D’en avoir tellement qu’on en devient con et imbu, méprisant pour les nourritures terrestres d’ici bas et les belles choses modestes et sobres.

 

Je remercie cet instant comme j’en vis des centaines.

 

Il est où le bonheur ? Il est là.

 

Et je repars à mes tâches de transformation du précieux liquide d’une blancheur immaculée en gourmandises rares.

 

J’inspecte mes sculptures moulages, les retourne, les sales, les travaille… et puis avec le caillé du jour, je fabrique les Béberthegilles© dans mes deux grands moules berrichons en terre cuite vernissée  que je tapisse de mousseline… oui, je reçois les conseils avisés que j’applique, j’apprends. Chaque jour est une aventure, un partage. Je veux faire du beau, je veux l’esthétique, l’unique, le sain, le naturel, l’artisanal, ce travail qui n’est que plaisir. Ce plaisir qui n’est qu’un fruit généreux qu’on croque à pleine dent, le fruit de l’arbre de la liberté !

 

Et puis Benoît m’appelle au téléphone pour me donner les nouvelles qu’il savait déjà.

 

Sivens ou le retour de son engagement au service de l’intérêt général, du lien terre mer, du respect de l’argent public, des arbres, de l’eau, des zones humides, des paysages et des ressources, des pâtures naturelles pour herbivores, de la biodiversité. Certains en majorité veulent sa peau dure et parlent de scandale le fait qu’il ait pu oser défendre avec vaillance les générations futures et contrarier leurs petits arrangements entre amis et leurs petits intérêts d’aigris. Ce n’est pas le même lait, ils ne sont que laids. Si loin derrière, si rétrogrades, si petits en se croyant grands. Vade rétros grades !

 

Une bonne gousse d’aïl à agiter permettra sans doute d’éloigner les mauvais ors ! Bien mal maquis ne profitent jamais ! Nous sommes de la résistance…

 

Alors, avec panache, comme il sait le faire lorsqu’avec mon fils il joue au rami en abattant ses cartes : il te les a mis secs, ça coule de source… Face à leurs minables propos dénués d’intérêt supérieur, il ne s’est pas porté candidat afin de permettre, et avec amour très propre, sa sortie, le front haut, le devoir accompli, fier de son engagement, sans corruption ni soumis. Je l’imagine comme je le sais. Profondément brillant, sincère et intègre,... intelligent.

 

Nous ne sommes pas des moutons et nous nous « rebêlons » quoiqu’il en coûte, parce que notre vrai métier n’est pas d’être à genoux devant les lobbies mais devant nos biques pour fabriquer du nectar, du beau, du sublime, du rare, du vrai, du terroir, de l'Art…. Et non de remplir des tiroirs !

 

Le pot de terre contre le pot de vin...

 

C’est ça la VIE, le paysan vivant, et l’agroécologie.

 

la-terre-dans-un-béberthegille.jpg

 

Stéphanie Muzard Biteau, paysan'artiste...et fière, heureuse de l'être.

 



20/05/2016
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